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Ils ne la ramenaient pas, nous non plus. Jour J mardi pour les sept élèves de terminale S du lycée Kastler de Denain avec les résultats du bac. Enfin. Six diplômés (et six mentions, de l’assez au très bien), un oral de rattrapage. Pour un dénouement, autant qu’un début.

Il y a ceux qui ont fait exploser les serveurs de l’académie dès 10 heures, scotchés sur leur téléphone portable. Et ceux qui ne lâchent pas les vitres du lycée, en attendant le précieux affichage… Faute de choix (et d’identifiants) ou « parce que je veux les voir ici, d’abord ». La mère de Charles est moins convaincue – et patiente – que son fils : « T’es sûr, tu ne veux pas que je regarde sur internet, même si je ne te dis rien ? » Enzo, toujours le mot juste : « C’est bien long quand même… Mais on fait durer le plaisir. »

Ce matin-là, il ne manque qu’Alexandre : il bosse et apprendra l’après-midi qu’il sera d’un second tour, avec l’objectif d’arracher vingt et un points.

À 11 h, la liste est affichée. Ça y est. Jade ne retient pas les larmes et entraîne, dans la coulée, une mère et une sœur qui débordent de fierté. On se serre, on s’amuse, on commente les notes. Certains profs rôdent, compilent les résultats, commentent et sourient, fièrement. «  Et toi alors, en septembre ? » Parce que, soudain, leur année est finie. Nous leur avons demandé de nous la résumer au travers d’un objet ou d’une chanson. Certains ont joué le jeu, d’autres pas. Tous, en tout cas, ont déjà un pied dans ce futur empli de possibles qui les attend depuis un an. 

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Il a toujours ce beau sourire et cette gentillesse touchante mais on sent que, au fond, Alexandre aimerait être ailleurs : il est au rattrapage pour 21 points. Il a choisi de repasser les maths et l’histoire aujourd’hui : « Il me faudrait 9 et 7, ça devrait aller mais bon... » Mais bon, il n’a pas le moral et un peu d’appréhension, ce qui se comprend largement. Son année de terminale ? « Clairement, je me suis ennuyé et je ne reverrai probablement pas les autres du groupe, ils sont trop sérieux pour moi » En fait, l’endroit où il se sent le mieux c’est dans son club de judo avec ses potes - « On a les mêmes délires » - il a d’ailleurs choisi sa ceinture marron fraîchement obtenue pour représenter son année : « Je l’ai eue pendant les épreuves du bac, on m’a aussi donné une coupe pour tous mes résultats. Une marron c’est le début de la noire qui peut faire office de diplôme pour être agent de sécurité, par exemple. Ma coach va me la faire broder. » Il a retrouvé un vrai sourire : « J’aime beaucoup le boulot que je fais à côté aussi, je m’y sens bien. Et puis, le bac je vais finir par l’avoir ! »

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Charles

ADMIS

La liste s’affiche enfin : Charles a une mention bien !

« J’ai parfois du mal à exprimer mes émotions mais là je suis vraiment content ! » Depuis le matin, on voyait sa longue silhouette au regard sensible se balader en

tee-shirt, entre préau et cour du lycée : « Les épreuves ça me donne toujours chaud ». Pour le faire patienter avant l’affichage des résultats, on a évoqué son année, avec une nostalgie qui s’installe déjà : « On est allés au labo pour dire au revoir à un prof qu’on adore mais il était pas là. Dans cette classe, on est un super groupe, certains se connaissent depuis la primaire et on va tous partir dans des endroits différents... » Pour représenter son année, Charles

a choisi ses clés de voiture. Un objet finalement

très personnel. 

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Jade

ADMISE

«Oh mais toi tu vas l’avoir, la seule question c’est la mention...» En vingt minutes, Jade a dû entendre ce commentaire une dizaine de fois : «En fait, quand on a d’excellents résultats, on a une pression supplémentaire. C’est un peu comme si tout était déjà plié alors que pas du tout ! » Les résultats tombent... Bac obtenu avec la mention très bien ! Jade, sa mère, sa sœur ont toutes les larmes aux yeux.

Une enseignante lui parle de postuler de nouveau pour Henri IV, le prestigieux lycée parisien, dans le cadre d’un repêchage d’excellence :

« Je ne connaissais pas mais je vais essayer, je ne veux pas avoir de regrets.» Pour représenter son année, elle a choisi un sablier: « C'était beaucoup d'organisation! »

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Toujours blagueur mais aussi sincère et soucieux du mot juste, Enzo est « heureux » de ses résultats (une mention très bien) : « La terminale, c’est une année où il y a tellement de tournants, de choix importants. » Pour la représenter, il a choisi une chanson : How To Save A Life de The Fray...

Enzo Admis

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« 10 en philo, au culot ! » Personne n’échappe pas à la joie de François. Au loin, sa prof de SVT s’extrait de l’attroupement : « Madame ! » Il court la rejoindre, aérien. François sautille sur son nuage. Agrippé au bulletin et à sa savoureuse inscription « Admis – mention assez bien ». Corinne peut souffler, plus que son grand enfant : « On faisait les courses, hier, pour fêter ça. Lui, il y croyait dur comme fer… Je pensais qu’il l’aurait tout juste. La mention, c’est une vraie surprise. » Le jeune adulte, sûr de sa réussite, « n’aura pas à donner le champagne aux voisins ». Il pavane, avec autant de confiance que d’ordinaire. «Cool jusqu’au bout », comme il l’aura été toute cette « belle année » où il aura « pensé à tous les métiers du monde », avant de se fixer sur un DUT GEA valenciennois. Bon, si, finalement, « j’ai un peu stressé dans la voiture, mais ça aura été le seul moment ». Oh et puis, « si je ne l’avais pas eu, j’aurais quand même passé de bonnes vacances ».

François Admis

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Ils étaient parmi les premiers à s’installer, fébriles, devant les portes vitrées du lycée. Impossible de patienter une heure jusqu’au tant attendu affichage des résultats. Kevin, Emeline et leurs parents, rivés sur leur smartphone, rafraîchissent frénétiquement le site de l’académie. Chez les aînés, souvenirs et angoisses ressurgissent. 10 heures, un cri. Kevin, si discret, exulte: « Je l’ai ! Avec mention assez bien ! » La tête jetée en arrière, le jeune homme souffle à balayer les nuages. «Gros gros soulagement.» Emeline, qui lui aura tant prédit le succès, est déjà à son cou. Stéphanie, maman angoissée, n’a pas lâché son portable : il manque ce satané numéro d’identifiant. Pourtant, tout avait été si bien préparé. Emeline la libère: « J’ai le bac… mention très bien ! » L’excellence de l’élève, avec deux ans de moins que ses camarades et autant de classes sautées, ne surprend personne. Presque. Le frère de Kevin s’étonne encore par SMS : « Elle a mangé ses cahiers ou quoi ? »


Ils auront défié tous leurs pronostics. Christelle, fière de ce Kevin promu troisième bachelier de la fratrie, a les yeux humides : « Je n’y croyais pas, même sans mention j’aurais été contente ! » Autour, les portables sonnent, les visages se décrispent, la joie explose. On se prend dans les bras, on se tape dans les mains, le petit monde se libère d’une lourde ceinture de stress. Sauf Angélique: la meilleure amie du duo devra se contenir encore une heure. Avant de se mêler aux grands cris. Libérés. Kevin et Emeline jettent un œil sur l’affichage, quand même, le papier fera toujours plus foi que l’électronique. Comme ce tant attendu bulletin, récupéré en début d’après-midi puis précieusement remisé. Le temps file déjà : deux semaines de vacances en Camargue et une « coloc » lilloise à bricoler en août, jusqu’à cette tant attendue première année de médecine. Le grand saut : « C’est un mythe, une année compliquée. Les amis, la famille, le travail… Ce sera un gros changement mais ça en vaut la peine. »

Emeline

et Kevin Admis

TEXTES

Sophie FILIPPI-PAOLI, Pierre ROUANET


VIDEOS

Stéphanie BARA


PHOTOGRAPHIES

Thomas LO PRESTI


REDACTION EN CHEF

Jean-Michel BRETONNIER

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Alexandre 

Admis 

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(après avoir passé le rattrapage à l'oral)